Est-il possible d’interrompre la pensée? - Francis répond - 25

Francis Lucille

j’ai eu toute une enfilade de merveilleuses expériences transcendantales, mais la perle de ce collier fut un réveil un matin où j’ai constaté que les pensées abstraites avaient cessé. C’était si saisissant, comme si l’électricité avait été coupée. Un calme immense, qui ne dura qu’un jour, le meilleur des que j’ai jamais vécu ! Sans les pensées, tout tombait naturellement à sa place. C’était il y a longtemps, et depuis j’ai connu le manque et la confusion.

Jean Klein est le seul qui ait jamais mentionné la cessation de la pensée. Tous les autres enseignants disent que les pensées continuent de défiler, et que simplement on ne s’y attache plus. Mais mon expérience, c’est bien une cessation de la pensée. Qu’est-ce que la pensée d’ailleurs? Je sais que ce n’est pas un phénomène personnel ni original, et qu’elles n’ont pas de pouvoir en elles-mêmes. Lorsque nous l’attachons à une sensation, nous l’appelons émotion. Pourtant nous sommes incapables d’arrêter de nous-mêmes ce bavardage sans fin. N’y a t-il donc vraiment rien à faire? Merci, Irène.

Chère Irène,

Jean Klein et moi avons passé de nombreux mois ensemble au cours des années que dura notre amitié, passant nos vacances sous le même toit dans la montagne Suisse, et je peux vous assurer qu’il avait toutes sortes de pensées, pratiques, belles, aimantes et intelligentes.

La différence dans le cas du sage est l’absence de pensées provenant de l’ignorance, c’est-à-dire de la croyance d’être un individu, une conscience séparée.

L’absence de pensées est un état exceptionnel et temporaire du mental, qui a un début et une fin dans le temps. Les perceptions externes peuvent être présentes pendant cet état, et dans ce cas elles sont extrêmement intenses. La fabrication du pseudo sujet par l’usine de la pensée étant suspendue temporairement, le sens de la séparation entre le moi et le monde paraît être provisoirement aboli, et la félicité inhérente à notre vraie nature peut alors être goûtée tout aussi provisoirement. Cependant, la dissolution de l’ignorance dans le Soi n’étant pas complète, la production de pensées ignorantes reprend avec le retour de l’activité mentale.

Cet état peut être suivi dans certains cas par une expérience dans laquelle la conscience, abandonnant tous les objets auxquels elle s’attachait, se connait elle-même dans toute sa gloire, au-delà du mental, au-delà de toutes choses créées, se sachant immortalité, parfaite intelligence, absolue splendeur et amour inconditionnel. Dans une telle expérience l’ignorance s’achève telle une rivière se perd dans l’océan.

Ce qui peut être fait est mener une enquête, poser des questions à d’autres (comme vous l’avez fait), chercher une réponse dans les lectures, et par dessus tout, en vous-même, au sein de votre propre expérience. La question la plus importante et la plus directe à cet égard est la suivante: « la conscience, cette présence que je sais être, est-elle une création du corps-mental ou le corps-mental est-il une création de la conscience? »

Bien amicalement,

Francis

Traduit de l’anglais par Stéphane Badach

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